jeudi 21 octobre 2010

2010, année de la biodiversité: l'action au coeur du débat



2010 est l’année de la biodiversité : plus qu’un simple symbole, il s’agit de mettre la biodiversité au cœur de la problématique environnementale et de trouver des solutions durables et réalisables permettant d’atteindre les objectifs fixés lors des différents sommets mondiaux. C’est donc dans cette optique que s’est tenu dès le 18 octobre le Sommet de la Biodiversité à Nagoya au Japon. En réunissant les 193 pays signataires de la Convention sur la biodiversité biologique, l’objectif est d’établir des mesures qui soient à la hauteur des enjeux écologiques. Au cœur des préoccupations figurent notamment la déforestation, responsable de la perte de nombreux écosystèmes et de l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre, ainsi que la surpêche. Mais ce qui peut être davantage préoccupant est la position de l’Europe et des Etats-Unis qui, au Sommet de Nagoya, se placent du côté des industriels : l’Union européenne, qui a signé le protocole, souhaite que les entreprises ayant déjà déposé des brevets avant le protocole n’aient pas à indemniser les populations locales ; les Etats-Unis, quant à eux, ont bel et bien refusé de signer la convention sur la diversité biologique pour se pas inquiéter ses industries… On peut alors s’interroger sur la véritable vocation des Etats à défendre l’intérêt général… On peut également se poser la question de la prise en compte de la biodiversité par ces fameuses industries ? En l’absence d’une réglementation ou d’une fiscalité contraignante, faut-il se reposer sur la bonne volonté des différents secteurs économiques et industriels ? Etant donné le contexte actuel, les entreprises se préoccupent de leurs impacts : premièrement car la réglementation se veut de plus en plus rigoureuse (malgré tout) ; deuxièmement, car leurs activités dépendent souvent de la disponibilité des ressources naturelles ; et enfin, pour une question d’image. Mais est-ce suffisant face à l’urgence actuelle ?


Plus encore que l’Union européenne et les Etats-Unis, le Canada fait figure de mauvais élève. Du moins c’est ce qu’affirme notamment Stewart Elgie, professeur à l'Université d'Ottawa et président du groupe de recherche et de réflexion Sustainable Prosperity. Ce dernier accuse le Canada, qui possède l’une des plus grandes richesses naturelles au monde, d’être en retard par rapport aux autres pays dans la mise en place d’actions incitatives en vue de réduire les pollutions générées et préserver l’environnement (se plaçant au 29e rang sur 33 pays selon un rapport de l’OCDE). On se rappelle également que le Canada fait partie des pays (avec notamment le Brésil) qui sont contre la mise en place d’une taxe appliquée au secteur financier… En outre, selon cet expert, il convient de payer la ressource à son juste prix. Pour cela, il convient de donner une valeur aux ressources naturelles afin de les intégrer dans la « comptabilité nationale ».

Le Sommet de Nagoya fut également l’occasion pour l’économiste indien Pavan Sukhdev de présenter son étude intitulée « l’économie de la biodiversité et des services écosystémiques ». Cette étude commanditée par l’Union européenne en 2008 a pour but d’évaluer le coût sur l’économie mondiale de l’absence d’une politique ambitieuse en faveur de la biodiversité. Le Sommet fut ainsi l’occasion de présenter des chiffres. Les chiffres sont parfois les meilleures façons d’alerter les industriels. Ainsi, la perte de la biodiversité se répercutera de façon signifiante sur l’activité économique. Selon le rapport Chevassus-au-Louis sur « l’approche économique de la biodiversité », la perte de la biodiversité représenterait ainsi 7% du PIB mondial chaque année. La responsabilité des industriels est alors mise en avant car de la façon dont ils gèreront leurs impacts dépendra leur avenir.

Au sein du Museum d’Histoire naturelle se sont réunis le 19 octobre les représentants de grandes entreprises afin de traiter de la considération de la biodiversité dans leurs activités économiques. Parmi eux, Lafarge, Areva, EDF, Total, Bolloré, Veolia et Sofiprotéol. La journée est co-organisée par l’IUCN, l’ACFCI, le Medef et le Museum national d’histoire naturelle. Cet évènement fut notamment l’occasion de communiquer sur leurs « bonnes pratiques » et d’échanger sur la façon dont est intégrée la biodiversité dans leur stratégie de développement.
Au cœur des discours se trouve notamment le principe de compensation. En d’autres termes, il s’agit de compenser les pollutions générées par un investissement dans des projets favorisant le maintien de la biodiversité. L’occasion pour EDF de mettre en avant la façon dont a été prise en compte la biodiversité suite à la construction d’un barrage situé au sein d’une réserve naturelle du Laos: le montant de la compensation se chiffre à hauteur de 1 million de dollars qui sera versé tous les ans sur 30 ans à la Réserve nationale (cela laisse imaginer la hauteur des impacts générés par cette construction).

Cependant, la compensation n’est pas une solution optimale. En effet, l’évolution des écosystèmes et de la régénération des ressources comparée à la vitesse de la dégradation de ces espaces naturels est parfaitement inégale. Ainsi, certains scientifiques et experts présents ont permis de souligner deux points essentiels : il faut favoriser l’économie circulaire et surtout, mieux vaut anticiper plutôt que de compenser. D’autant plus que l’anticipation sera moins coûteuse que la compensation. Elle le sera, mais ne l’est pas encore nécessairement. L’une des raisons principales est que la biodiversité n’est pas encore parfaitement prise en compte dans le cadre des études économiques (et notamment dans le cadre des analyses coûts/avantages) du fait de l’absence de méthodes de monétarisation de la biodiversité.

Elisabeth Jaskulké, membre du groupe biodiversité du Medef, quant à elle, parle sans complexe et ira même jusqu’à dire qu’elle veut que la préservation de la biodiversité rapporte… Le secteur des assurances prévoit ainsi de créer des produits de prévoyance contre le risque de biodiversité.


En guise de conclusion, on peut alors relever une phrase provenant de l’économiste de l’environnement Yann Laurans. A la question de savoir ce qu’il manque à l’économie environnementale pour qu’elle soit placée au cœur des préoccupations gouvernementales, il répond : « C'est plutôt une question de volonté, de culture et de rapport de force. » Finalement, face à l’urgence, des décisions devront être prises rapidement sur le court, moyen, et long terme impliquant aussi bien les différents gouvernements (notamment les plus pollueurs, en évitant au maximum les effets du « passagers clandestins ») que les différents secteurs économiques et financiers.


Sources et compléments d’information :

Actu Environnement, « Business et biodiversité : un binôme contre nature ? » (20/10/2010)
http://www.actu-environnement.com/ae/news/entreprises-biodiversite-compatibilite-services-environnementaux-11207.php4

Le Monde, « Aujourd’hui, on consomme la nature sans en payer le prix » (21/10/2010)
http://www.lemonde.fr/planete/article/2010/10/21/aujourd-hui-on-consomme-la-nature-sans-en-payer-le-prix_1429229_3244.html

Cyberpresse.ca, « Biodiversité: un rapport de l'ONU réprimande le Canada » (20/10/2010)
http://www.cyberpresse.ca/environnement/201010/20/01-4334225-biodiversite-un-rapport-de-lonu-reprimande-le-canada.php

Vedura, « Biodiversité : le Sommet de Nagoya, crucial pour la sauvegarde des espèces » (19/10/2010)
http://www.vedura.fr/actualite/6765-biodiversite-sommet-nagoya-crucial-sauvegarde-especes

20 minutes, « Les entreprises changent la biodiversité en argent », (1910/2010)
http://www.20minutes.fr/article/610337/planete-les-entreprises-changent-biodiversite-argent


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