jeudi 4 novembre 2010

Le scepticisme au cœur de l’environnement


Le scepticisme ne cesse de rythmer les débats relatifs à l’environnement. Il concerne non seulement les mouvements d’experts, plus connus sous le nom de « climato-sceptiques », qui remettent notamment en cause la responsabilité de l’homme vis-à-vis du réchauffement climatique ; Mais il concerne aussi l’ensemble des acteurs qui interviennent directement ou indirectement sur la politique environnementale : le scepticisme touche à la fois certaines entreprises qui souhaitent minimiser leur responsabilité par rapport à l’environnement ; ou bien les citoyens et ONG vis-à-vis de l’action du gouvernement. Le scepticisme se trouve ainsi au cœur de l’actualité. Retour sur cette tendance où le doute prédomine.


« L'augmentation de CO2 et, à un moindre degré, des autres gaz à effet de serre, est incontestablement due à l'activité humaine ». Telle est l’une des conclusions du rapport délivré jeudi dernier par l’Académie des sciences à la ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche. Ce rapport a fait suite à l’organisation d’un débat d’experts issus des professions de climatologues, physiciens, mathématiciens, biologistes, etc., le 20 septembre dernier, afin de confronter les différents points de vue et de délivrer un rapport approuvé par l’ensemble de la profession, c’est-à-dire à la fois par les scientifiques convaincus et les climato-sceptiques. Parmi les représentants des climato-sceptiques présents, on peut notamment citer l’ancien ministre très médiatisé Claude Allègre. Le climato-scepticisme a contribué à sa renommée : ce dernier dénonçait une « imposture climatique », un « système mafieux et totalitaire » et a pointé du doigt les conclusions du Giec en réfutant plusieurs de ses arguments. Pourtant, l’Académie des Sciences a confirmé les conclusions du Giec en désavouant de fait les climato-sceptiques. Ce rapport semble malgré tout satisfaire Claude Allègre qui a apposé sa signature sur le document, qualifiant ce dernier de « compromis » : M Allègre aurait apprécié la mise en avant de l’incertitude liée au climat et des relations de causes à effet qui en découle. Un tel rapport aura-t-il suffit à convaincre les climato-sceptiques ?

Rien n’est moins sûr. Les climato-sceptiques sont bien présents et pas seulement sur le territoire français. La vague contradictoire vis-à-vis du climat a également touché les Etats-Unis, vague sur laquelle certains industriels européens semblent surfer pour combler leurs intérêts. En effet, certains sénateurs américains niant les dangers du changement climatique ou s’opposant à la loi américaine « Cap and Trade » sur le climat ont pu bénéficier de financements émanant de certaines industries européennes. Au total, ces sénateurs ont ainsi reçu, en 2010, 306 000 dollars de la part de ces industriels. Ces chiffres ont été délivrés par un rapport du Climate Network Europe dont les sources proviennent notamment de la Commission fédérale électorale américaine. Selon Sébastien Blavier, responsable du Pôle International du Réseau Action Climat France, ces financements ont été faits en toute connaissance de cause par les industriels qui ne souhaitent pas d’une évolution des engagements des Etats-Unis en faveur du Climat. Ces entreprises constituent un lobby puissant auprès des instances européennes refusant que les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre passent de 20 à 30% d’ici 2020. La raison évoquée : ces objectifs constitueraient pour eux un frein à la concurrence, notamment vis-à-vis des industries implantées aux Etats-Unis, qui ont développé une réglementation moins stricte que l’Europe. Ainsi, en finançant les sénateurs américains climato-sceptiques, les industriels viseraient à bloquer toute nouvelle initiative en faveur du Climat de la part des Etats-Unis et, de fait, d’empêcher également l’Europe de réviser ses objectifs. Bien que ces financements ne soient pas très élevés, ils ont suffit à alimenter la polémique dans les médias qui remettent en cause la responsabilité sociétale des industries concernées.

Le scepticisme a également touché les citoyens. Alors que les pronostics semblent miser sur Jean-Louis Borloo en tant que remplaçant de M Fillon, l’heure en est au bilan. Un sondage réalisé par Opinion Way pour le compte de Terra Eco démontre ainsi que 74% des français considéreraient que le Grenelle de l’Environnement est un échec. Les Français douteraient ainsi de l’efficacité d’une telle démarche, un doute qui semble partagé par certaines ONG environnementales. En effet, si le Grenelle a permis de mettre en avant des objectifs clairs en faveur de la protection de l’environnement, la mise en place des engagements semble bien plus laborieuse : abandon de la taxe carbone qui est relayée à l’échelle européenne, révision de la fiscalité en faveur des équipements photovoltaïques, report de la taxe kilométrique poids lourds à 2012, abandon sur la taxe pique-nique qui visait à réduire la consommation de produits à usage unique, révision du bonus-malus sur les véhicules, etc. Concernant le secteur des transports, sur 34 engagements pris, seuls 3 ont été réalisés, et 22 sont en cours de réalisation… Certes, le Grenelle ne s’est pas seulement caractérisé par une série d’échecs ; Certes, il a notamment permis la mise en place de nombreux outils fiscaux (70 dispositions fiscales), et d’une réglementation plus adaptée (450 articles de loi) ; et il est vrai que la majorité des engagements est souvent peu connue du grand public. Mais en ne tenant pas une partie de ses engagements, l’Etat, via le Grenelle de l’Environnement, perd de sa crédibilité vis-à-vis de sa capacité à répondre aux enjeux environnementaux. Le gouvernement doit ainsi faire face à une crise de confiance de la part des citoyens sur les dossiers environnementaux.

Par ailleurs, suite à l’échec concernant le Sommet de Copenhague, on pouvait s’inquiéter quant aux résultats de la conférence sur la biodiversité de Nagoya. En effet, Copenhague avait laissé un goût amer : pas d’engagements concrets au niveau international, absence des principaux Etats concernés,… bref, un vent d’inaction avait touché l’ensemble des représentants. Même si de nombreux acteurs semblaient sceptiques quant à la finalité de cet évènement, la conférence de Nagoya a finalement été à la hauteur des espérances : engagements concrets en faveur d’une pêche durable (la polémique sur l’absence d’interdiction de la pêche du thon rouge aura-t-elle influencé ces engagements ?) ; engagements contre la déforestation ; protection des aires maritimes (même si le pourcentage de 10% des aires maritimes est considéré comme trop faible de la part des ONG). Même si l’on peut constater quelques bémols dans le bilan de cette conférence, et même si les financements nécessaires ne sont pas encore réunis, les engagements concrets pris à Nagoya peuvent laisser présager qu’ils inspireront l’ensemble des dirigeants lors du futur sommet de Cancun, prochain rendez-vous clé sur les enjeux climatiques.


Le scepticisme accompagne les débats concernant l’environnement du fait de l’absence de certitude qui l’accompagne. De cette absence de certitude est d’ailleurs né le principe de précaution. Est-ce que le scepticisme peut alors représenter un frein à l’action en faveur de la protection de l’environnement ? Dans un sens, il peut l’être car l’action va parfois à l’encontre des intérêts immédiats de certains acteurs. L’action a un coût que certaines entreprises et Etats ne sont pas prêts d’assumer. Mais d’un autre côté, la remise en cause des études scientifiques et des actions du gouvernement ne permet-elle pas d’alimenter le débat et, finalement, d’aboutir à des résultats concluants ? Ainsi, face au scepticisme des citoyens vis-à-vis de la capacité de l’Etat à gérer les enjeux environnementaux, ce dernier, à l’approche de 2012, devra songer à tenir davantage les engagements pris dans le cadre du Grenelle ; l’action deviendra sa meilleure alliée.


Sources et compléments d'information:

Les Echos, « Environnement : l’Académie des Sciences désavoue les climato-sceptiques » (28/10/2010)
http://www.lesechos.fr/economie-politique/france/actu/020895911845-environnement-l-academie-des-sciences-desavoue-les-climato-sceptiques.htm

Blogs Le Monde, « Des industriels européens manœuvrent contre la loi américaine sur le climat » (26/10/2010)
http://ecologie.blog.lemonde.fr/2010/10/26/des-industriels-europeens-manoeuvrent-contre-la-loi-sur-le-climat-americaine/

Actu Environnement, « Biodiversité : des commentaires nuancés à l’issue de la conférence de Nagoya », (03/11/2010)
http://www.actu-environnement.com/ae/news/nagoya-biodiversite-cdb-commentaires-ong-politique-11294.php4

Cdurable.info, « Grenelle de l’Environnement : un échec pour 3 Français sur 4 » (24/10/2010)
http://www.cdurable.info/Grenelle-Environnement-un-echec-pour-les-francais-Sondage-Terra-Eco-Opinion-Way,2959.html


1 commentaire:

  1. Oui, le scepticisme raisonnable peut faire avancer la science et éviter que l'on prenne des vessies pour des lanternes, mais s'il s'agit de douter pour douter, parce que cela sert ses intérêts, le scepticisme devient totalement contre-productif. Ceci d'un bord comme de l'autre.

    Mais, bon, comme tu le pointes dans cet article, la société avance tout de même, cahin-caha, vers une meilleure prise en compte de l'environnement et du climat, sans toutefois condamner l'économie. Pourvu que ça dure ;)

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