mardi 16 novembre 2010

Energies fossiles: une question de subventions



Le prix Pinocchio 2010 du développement durable a été décerné à… Somdiaa, Eramet et le Crédit Agricole ! Trois entreprises se sont en effet vues décerner ce prix pour le moins peu prestigieux par les Amis de la Terre suite à un vote auprès de 6000 internautes. Ainsi, le Crédit Agricole, à l’origine dénommée la banque verte car reconnue comme étant « la banque des agriculteurs » semblent jouer sur les mots : « It’s time for Green Banking » arbore-t-elle dans l’une de ses campagnes de communication. Une publicité qui n’est pas du goût des Amis de la Terre qui les accusent de greenwashing : par le biais de cette publicité, le Crédit Agricole se place comme étant un acteur de la croissance verte alors que la banque française est à l’origine d’investissements massifs en faveur de projets de développement des énergies fossiles tels que la centrale à charbon de Medupi en Afrique du Sud qui a soulevé la polémique. A l’heure où l’épuisement des énergies fossiles et les impacts qu’elles génèrent figurent parmi les grandes urgences environnementales, le Crédit Agricole ne peut ainsi décemment se définir comme une entreprise verte. Qu’en est-il de la part des Etats ? Le Crédit Agricole ne semble pas être le seul à être pointé du doigt. Alors que le G20 s’est réuni à Séoul ces 11 et 12 novembre, la question des énergies fossiles a donné lieu à des rapports et comptes-rendus préalables permettant un véritable état des lieux de la situation mondiale.


Les représentants du G20 semblaient s’accorder : il faut stopper les subventions inefficaces aux énergies fossiles (encore faut-il pouvoir définir ce qu’est une « subvention inefficace »…). Cette déclaration a été faite à Pittsburg en septembre 2009, puis réaffirmée lors du sommet de Toronto de juin 2010. Pourtant, selon l’Agence Internationale à l’Energie (AIE), de nombreuses subventions en faveur des énergies fossiles sont encore établies (environ 312 milliards de dollars en 2009) ce qui n’est pas sans conséquences : gaspillage, volatilité des prix, contexte anticoncurrentiel vis-à-vis des énergies renouvelables… Ainsi, selon le rapport World Energy Outlook 2010 (WEO 2010) rédigé par l’AIE, la suppression de ces subventions pourrait permettre une réduction de 5,8 % des émissions de CO2 (soit 2 milliards de tonnes) à horizon 2020 et permettrait de réorienter les investissements en faveur des énergies renouvelables. Un avis partagé par le rapport du Groupe Consultatif de haut niveau qui a évalué à 8 milliards de dollars l’investissement qui pourrait de fait être établi tous les ans par les pays industrialisés en faveur de la lutte contre les changements climatiques dans les pays du sud qui, rappelons-le sont les premiers à être impactés par les effets qu’ils génèrent. Cependant, selon les ONG Oil Change International et Earth Track, les engagements pris par le G20 pour stopper les subventions inefficaces n’ont pas donné lieu à des mesures concrètes. Des discussions n’en sont jusqu’alors ressorties que des inactions. En effet, un rapport publié début novembre liste les « exclusions », c’est-à-dire les subventions qui ne sont pas concernées par cet engagement : parmi elles, les subventions pour les énergies fossiles qui sont moins carbonées que d’autres, celles qui permettent un développement rural et la création d’emplois ou bien celles qui sont « déguisées » en avantages fiscaux. De plus, l’ONG Les Amis de la Terre souligne l’oubli concernant les soutiens publics à l’industrie fossile effectués, notamment, via la Banque Mondiale. Un détail qui n’est pas sans rappeler la vidéo de Greenpeace intitulée « où va mon argent ? »…

Ainsi, Les Amis de la Terre ont demandé à la Banque Mondiale de cesser les prêts ou garanties en faveur des énergies fossiles et de les réorienter vers le secteur des énergies renouvelables. 63% des prêts issus de la Banque Mondiale pour l’énergie sont dédiés aux combustibles fossiles (la part dédiée au charbon a même augmenté entre 2007 et 2008). En outre, l’ONG Oil Change International, dans son rapport « Energy for the poor ? » a démontré qu’aucuns des prêts dédiés aux énergies fossiles émanant de la Banque Mondiale sur les années fiscales 2009 et 2010 n’étaient directement destinés à favoriser l’accès à l’énergie pour les plus pauvres.

Si les énergies fossiles s’épuisent peu à peu, une question se pose alors : à quand l’apparition des alternatives au pétrole ? L’Université de Californie s’est posée la question et est parvenue à une réponse plutôt déconcertante au vue de l’urgence de la situation : selon cette étude publiée dans la revue « Science & Technology », il faudrait attendre près de 90 ans avant de voir apparaître les technologies de remplacement au pétrole. La méthode se base sur les marchés boursiers et les prédictions des investisseurs concernant la période de maturité des nouvelles technologies. La date est ainsi évaluée en fonction de la capitalisation boursière basée sur les actions et dividendes émanant des industries pétrolières publiques et des sociétés d’énergies alternatives. Cette méthode, bien que basée sur des données purement mercantiles, a déjà fait ses preuves dans de nombreuses prédictions. Face à ces résultats, on est amené à penser qu’une intervention rapide et efficace de la part des principaux Etats est d’autant plus nécessaire afin de favoriser plus rapidement des énergies alternatives.


L’humanité aura épuisé en près de 200 ans les réserves accumulées sur plusieurs centaines de millions d’années. Au vue des enjeux, la question de la gestion des énergies fossiles (qu’il s’agisse de l’exploitation, de la consommation de ces énergies, de la recherche d’alternatives ou bien sûr des subventions attribuées à ce secteur) constitue une véritable urgence. Pourtant, le sujet des énergies fossiles n’a pas été abordé lors du G20 de Séoul. Un « oubli » qui ne présage rien de réellement positif à l’approche du prochain sommet des Nations Unies sur le réchauffement climatique qui aura lieu à Cancun du 29 novembre au 10 décembre 2010…


Sources et compléments d’information :

Le Monde, « Prix Pinocchio : Les Amis de la Terre décernent les bonnets d'âne du développement durable » (09/11/2010)
http://www.lemonde.fr/planete/article/2010/11/09/prix-pinocchio-les-amis-de-la-terre-decernent-les-bonnets-d-ane-du-developpement-durable_1437842_3244.html

Actu Environnement « G20 : la suppression des subventions aux énergies fossiles reste à confirmer » (10/11/2010)
http://www.actu-environnement.com/ae/news/g20-seoul-subventions-energies-fossiles-11339.php4

Développement Durable Le Journal, « Énergies fossiles : Ces subventions qui endettent le Climat » (15/11/2010)
http://www.developpementdurablelejournal.com/spip.php?article7164

Actualité News Environnement, « Energie fossiles et prêts de la Banque mondiale » (08/10/2010)
http://www.actualites-news-environnement.com/24262-Energie-fossiles-prets-Banque-Mondiale.html

Enerzine, « Les substituts au pétrole : pas avant 90 ans ! » (10/11/2010)
http://www.enerzine.com/10/10754+les-substituts-au-petrole---pas-avant-90-ans+.html

2 commentaires:

  1. Intéressant article, j'ignorais l'importance des prêts accordés par la Banque mondiale en faveurs des énergies fossiles.
    Un peu déprimant comme constat :(

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  2. pouri comme article !!!!! :p
    sa donne envie de faire caca

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