Mercredi 24 novembre, l’Organisation Météorologique Mondiale a affirmé que les gaz à effet de serre ont atteint un niveau record en 2009 depuis l’époque pré-industrielle. Ainsi, malgré la crise, les niveaux de CO2 et de méthane sont alarmants. Par ailleurs, la Chine occupe la première place mondiale en volume d’émissions. Si ce fait est clairement reconnu par l’Agence Internationale de l’Energie (AIE), la Chine avait cependant du mal à le confirmer, souhaitant que le mode de calcul soit ramené au nombre d’habitants. Pourtant, c’est bien ce qu’a affirmé le négociateur en chef chinois sur les questions climatiques, même si ses dires ont été soumis à la censure dans la transcription officielle de la conférence de presse. Ainsi, consciente de son rôle face aux enjeux liés aux émissions de gaz à effet de serre, la Chine intervient en mettant en place une politique plus stricte en faveur du climat. Alors que le sommet de Cancun est en cours, il paraît intéressant de revenir sur l’un des instruments permettant de limiter les rejets de GES : les marchés de quotas de CO2.
La Chine projette de mettre en place un marché de quotas d’émissions de Gaz à Effet de Serre (GES) dans le cadre de son douzième plan quinquennal (2011-2015). Le plan quinquennal 2006-2010 prévoyait déjà des mesures visant à améliorer le bilan énergétique du pays basées sur des outils réglementaires et administratifs. L’objectif affiché était une réduction de l’intensité énergétique du PIB de 20%. Le marché des quotas se substituerait ainsi à cette approche plus étatique afin d’adopter une démarche qui se voudrait plus libérale. Le nouveau projet quinquennal qui présente le marché de quotas comme une alternative envisageable a ainsi été présenté par le Comité Central du Parti communiste chinois fin octobre et devra être validé début 2011. Ce nouvel outil permettrait ainsi à la Chine de répondre à ses engagements volontaires pris lors du sommet de Copenhague consistant à réduire de 40% à 45% ses émissions de carbone par unité de PIB d’ici à 2020 par rapport à 2005. Il ne reste plus qu’à se décider sur les modalités de mise en œuvre de ce marché. Plusieurs éléments sont encore à déterminer : à quelle échelle ce marché s’étendra-t-il dans un premier temps ? Quels seront les secteurs d’activités concernés par cette obligation ? Et enfin, quelles seront les modalités de mise en place (système d’échanges de quotas ou plafond d’émissions) ? Pour répondre à l’ensemble de ces questions, la Chine n’a pas hésité à faire appel à l’expertise européenne en juillet et en novembre, une troisième rencontre étant planifiée également en décembre. Cet intérêt de la Chine pour le système de quotas d’émissions est une bonne nouvelle pour l’Union Européenne qui souhaite la mise en place d’un marché global intégrant les principaux émetteurs de CO2.
Afin de répondre aux objectifs fixés dans le cadre du protocole de Kyoto (c’est-à-dire une réduction de 8% des GES entre 2008 et 2012, sur la base du niveau de 1990), une directive européenne concernant le marché d’échange de quotas d’émissions de CO2 a été établie dès janvier 2005. Ainsi, l’ensemble des Etats concernés ont eu la responsabilité de répartir des quotas d’émissions parmi les six secteurs industriels les plus émissifs de gaz à effet de serre (production d’énergie, ciment, verre, métaux ferreux, industries minérales, pâtes à papier – les secteurs tels que celui des transports responsable de 25% des émissions de GES ou du bâtiment ne sont pas concernés). Ainsi, chaque année, un Plan National d’Allocations des Quotas (PNAQ) présenté par chaque pays de l’UE et ratifié par la Commission européenne détermine la répartition de ces quotas entre les différents secteurs. Ces quotas sont ensuite échangeables entre les industriels sur un marché qui se caractérise par un système de bourses électroniques centralisées.
Une nouvelle décision vient modifier le fonctionnement de ce marché d’échanges de quotas. En effet, en novembre 2010, les sénateurs, se basant sur le code de l’environnement et sur la loi de finances rectificative de 2008, ont affirmé leur volonté de voir modifier deux éléments : d’une part, dès 2011, la France fera payer aux industriels 5 à 15% des quotas alloués en 2011 et 2012 (les quotas étaient jusqu’alors délivrés gratuitement). Le prix des quotas correspondra au prix moyen constaté sur les 12 derniers mois sur le marché d’échange de quotas. Seulement une partie des industriels serait concernée par ces quotas payants. Par ailleurs, dans le cadre du PNAQ, la France a mal évalué les prospectives concernant les nouveaux entrants. Ainsi, la réserve française est estimée à 2,74 millions de tonnes de CO2 lorsque le besoin réel s’évalue à hauteur de 9 millions de tonnes de CO2. Les nouveaux entrants seront ainsi contraints d’acheter des quotas sur le marché et ne profiteraient pas comme leurs concurrents de quotas gratuits ce qui créerait des distorsions de concurrence. La mise en place de quotas payant par la France permettrait de rééquilibrer le marché ; D’autre part, les industriels ayant diminué leur activité n’obtiendront pas la totalité des quotas prévus initialement. En effet, les sénateurs estiment que l’allocation des quotas échangeables doit être cohérente : ainsi, si l’activité a diminué de plus de 25% depuis 2007, le nombre de quotas doit être revu à la baisse pour éviter tout effet d’aubaine notamment dû à la revente du surplus de quotas sur le marché.
Le Sommet de Cancun sera en outre déterminant dans la lutte contre le changement climatique. En effet, le marché des quotas ne représente qu’un outil qui pourrait s’avérer peu efficace sans un engagement multilatéral des différents Etats. La Chine y sera notamment présente. Si elle a reconnue sa responsabilité vis-à-vis des questions liées au Climat, elle souhaite que les pays dits développés assument leurs responsabilités (ce qui n’est pas sans viser en particulier les Etats-Unis). La Chine, qui devient notamment le leader mondial de production d’énergies renouvelables, est un acteur qui semble apte à prendre des engagements sérieux. Ce ne sera que le 10 décembre, à la fin du Sommet mondial de Cancun que l’on pourra ou non confirmer ce vent d’optimisme… En effet, rappelons-le, si le marché des quotas est une solution, elle n’en demeure pas moins la solution en faveur du climat.
Sources et compléments d'information:
Actu Environnement, « PLF 2011 : les sénateurs durcissent l'attribution des quotas de CO2 » (25/11/2010)
http://www.actu-environnement.com/ae/news/senat-quotas-payants-CO2-plf-11437.php4
Actu Environnement, « Conférence de Cancún sur le climat : quels enjeux ? » (29/11/2010)
http://www.actu-environnement.com/ae/news/conference-climat-cancun-enjeux-11446.php4
Actu Environnement, « La Chine sur le point de créer un marché d'échange de quotas de CO2 » (18/11/2010)
http://www.actu-environnement.com/ae/news/chine-marche-carbone-co2-europe-ets-11382.php4
Le Monde, « La Chine admet être le 1er émetteur mondial de gaz à effet de serre », (23/11/2010)
http://www.lemonde.fr/planete/article/2010/11/23/la-chine-admet-etre-le-1er-emetteur-mondial-de-gaz-a-effet-de-serre_1443801_3244.html
Le Monde, « Les gaz à effet de serre ont atteint des niveaux records en 2009 » (24/11/2010)
http://www.lemonde.fr/planete/article/2010/11/24/les-gaz-a-effet-de-serre-ont-atteint-des-niveaux-records-en-2009_1444498_3244.html
Le Journal Développement Durable, « Climat : La Chine prépare son marché du carbone » (22/11/2010)
http://www.developpementdurablelejournal.com/spip.php?article7186
« Guide Pratique du marché des quotas d’émissions de CO2 », Ministère de l’Ecologie et du Développement Durable, ADEME, 2005
http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/ecologie/pdf/guide_quotas_final.pdf
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