lundi 29 novembre 2010

Climat: la Chine projette la mise en place d'un marché de quotas

Mercredi 24 novembre, l’Organisation Météorologique Mondiale a affirmé que les gaz à effet de serre ont atteint un niveau record en 2009 depuis l’époque pré-industrielle. Ainsi, malgré la crise, les niveaux de CO2 et de méthane sont alarmants. Par ailleurs, la Chine occupe la première place mondiale en volume d’émissions. Si ce fait est clairement reconnu par l’Agence Internationale de l’Energie (AIE), la Chine avait cependant du mal à le confirmer, souhaitant que le mode de calcul soit ramené au nombre d’habitants. Pourtant, c’est bien ce qu’a affirmé le négociateur en chef chinois sur les questions climatiques, même si ses dires ont été soumis à la censure dans la transcription officielle de la conférence de presse. Ainsi, consciente de son rôle face aux enjeux liés aux émissions de gaz à effet de serre, la Chine intervient en mettant en place une politique plus stricte en faveur du climat. Alors que le sommet de Cancun est en cours, il paraît intéressant de revenir sur l’un des instruments permettant de limiter les rejets de GES : les marchés de quotas de CO2.


La Chine projette de mettre en place un marché de quotas d’émissions de Gaz à Effet de Serre (GES) dans le cadre de son douzième plan quinquennal (2011-2015). Le plan quinquennal 2006-2010 prévoyait déjà des mesures visant à améliorer le bilan énergétique du pays basées sur des outils réglementaires et administratifs. L’objectif affiché était une réduction de l’intensité énergétique du PIB de 20%. Le marché des quotas se substituerait ainsi à cette approche plus étatique afin d’adopter une démarche qui se voudrait plus libérale. Le nouveau projet quinquennal qui présente le marché de quotas comme une alternative envisageable a ainsi été présenté par le Comité Central du Parti communiste chinois fin octobre et devra être validé début 2011. Ce nouvel outil permettrait ainsi à la Chine de répondre à ses engagements volontaires pris lors du sommet de Copenhague consistant à réduire de 40% à 45% ses émissions de carbone par unité de PIB d’ici à 2020 par rapport à 2005. Il ne reste plus qu’à se décider sur les modalités de mise en œuvre de ce marché. Plusieurs éléments sont encore à déterminer : à quelle échelle ce marché s’étendra-t-il dans un premier temps ? Quels seront les secteurs d’activités concernés par cette obligation ? Et enfin, quelles seront les modalités de mise en place (système d’échanges de quotas ou plafond d’émissions) ? Pour répondre à l’ensemble de ces questions, la Chine n’a pas hésité à faire appel à l’expertise européenne en juillet et en novembre, une troisième rencontre étant planifiée également en décembre. Cet intérêt de la Chine pour le système de quotas d’émissions est une bonne nouvelle pour l’Union Européenne qui souhaite la mise en place d’un marché global intégrant les principaux émetteurs de CO2.

Afin de répondre aux objectifs fixés dans le cadre du protocole de Kyoto (c’est-à-dire une réduction de 8% des GES entre 2008 et 2012, sur la base du niveau de 1990), une directive européenne concernant le marché d’échange de quotas d’émissions de CO2 a été établie dès janvier 2005. Ainsi, l’ensemble des Etats concernés ont eu la responsabilité de répartir des quotas d’émissions parmi les six secteurs industriels les plus émissifs de gaz à effet de serre (production d’énergie, ciment, verre, métaux ferreux, industries minérales, pâtes à papier – les secteurs tels que celui des transports responsable de 25% des émissions de GES ou du bâtiment ne sont pas concernés). Ainsi, chaque année, un Plan National d’Allocations des Quotas (PNAQ) présenté par chaque pays de l’UE et ratifié par la Commission européenne détermine la répartition de ces quotas entre les différents secteurs. Ces quotas sont ensuite échangeables entre les industriels sur un marché qui se caractérise par un système de bourses électroniques centralisées.

Une nouvelle décision vient modifier le fonctionnement de ce marché d’échanges de quotas. En effet, en novembre 2010, les sénateurs, se basant sur le code de l’environnement et sur la loi de finances rectificative de 2008, ont affirmé leur volonté de voir modifier deux éléments : d’une part, dès 2011, la France fera payer aux industriels 5 à 15% des quotas alloués en 2011 et 2012 (les quotas étaient jusqu’alors délivrés gratuitement). Le prix des quotas correspondra au prix moyen constaté sur les 12 derniers mois sur le marché d’échange de quotas. Seulement une partie des industriels serait concernée par ces quotas payants. Par ailleurs, dans le cadre du PNAQ, la France a mal évalué les prospectives concernant les nouveaux entrants. Ainsi, la réserve française est estimée à 2,74 millions de tonnes de CO2 lorsque le besoin réel s’évalue à hauteur de 9 millions de tonnes de CO2. Les nouveaux entrants seront ainsi contraints d’acheter des quotas sur le marché et ne profiteraient pas comme leurs concurrents de quotas gratuits ce qui créerait des distorsions de concurrence. La mise en place de quotas payant par la France permettrait de rééquilibrer le marché ; D’autre part, les industriels ayant diminué leur activité n’obtiendront pas la totalité des quotas prévus initialement. En effet, les sénateurs estiment que l’allocation des quotas échangeables doit être cohérente : ainsi, si l’activité a diminué de plus de 25% depuis 2007, le nombre de quotas doit être revu à la baisse pour éviter tout effet d’aubaine notamment dû à la revente du surplus de quotas sur le marché.


Le Sommet de Cancun sera en outre déterminant dans la lutte contre le changement climatique. En effet, le marché des quotas ne représente qu’un outil qui pourrait s’avérer peu efficace sans un engagement multilatéral des différents Etats. La Chine y sera notamment présente. Si elle a reconnue sa responsabilité vis-à-vis des questions liées au Climat, elle souhaite que les pays dits développés assument leurs responsabilités (ce qui n’est pas sans viser en particulier les Etats-Unis). La Chine, qui devient notamment le leader mondial de production d’énergies renouvelables, est un acteur qui semble apte à prendre des engagements sérieux. Ce ne sera que le 10 décembre, à la fin du Sommet mondial de Cancun que l’on pourra ou non confirmer ce vent d’optimisme… En effet, rappelons-le, si le marché des quotas est une solution, elle n’en demeure pas moins la solution en faveur du climat.


Sources et compléments d'information:

Actu Environnement, « PLF 2011 : les sénateurs durcissent l'attribution des quotas de CO2 » (25/11/2010)
http://www.actu-environnement.com/ae/news/senat-quotas-payants-CO2-plf-11437.php4

Actu Environnement, « Conférence de Cancún sur le climat : quels enjeux ? » (29/11/2010)
http://www.actu-environnement.com/ae/news/conference-climat-cancun-enjeux-11446.php4

Actu Environnement, « La Chine sur le point de créer un marché d'échange de quotas de CO2 » (18/11/2010)
http://www.actu-environnement.com/ae/news/chine-marche-carbone-co2-europe-ets-11382.php4

Le Monde, « La Chine admet être le 1er émetteur mondial de gaz à effet de serre », (23/11/2010)
http://www.lemonde.fr/planete/article/2010/11/23/la-chine-admet-etre-le-1er-emetteur-mondial-de-gaz-a-effet-de-serre_1443801_3244.html

Le Monde, « Les gaz à effet de serre ont atteint des niveaux records en 2009 » (24/11/2010)
http://www.lemonde.fr/planete/article/2010/11/24/les-gaz-a-effet-de-serre-ont-atteint-des-niveaux-records-en-2009_1444498_3244.html

Le Journal Développement Durable, « Climat : La Chine prépare son marché du carbone » (22/11/2010)
http://www.developpementdurablelejournal.com/spip.php?article7186

« Guide Pratique du marché des quotas d’émissions de CO2 », Ministère de l’Ecologie et du Développement Durable, ADEME, 2005
http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/ecologie/pdf/guide_quotas_final.pdf

mardi 16 novembre 2010

Energies fossiles: une question de subventions



Le prix Pinocchio 2010 du développement durable a été décerné à… Somdiaa, Eramet et le Crédit Agricole ! Trois entreprises se sont en effet vues décerner ce prix pour le moins peu prestigieux par les Amis de la Terre suite à un vote auprès de 6000 internautes. Ainsi, le Crédit Agricole, à l’origine dénommée la banque verte car reconnue comme étant « la banque des agriculteurs » semblent jouer sur les mots : « It’s time for Green Banking » arbore-t-elle dans l’une de ses campagnes de communication. Une publicité qui n’est pas du goût des Amis de la Terre qui les accusent de greenwashing : par le biais de cette publicité, le Crédit Agricole se place comme étant un acteur de la croissance verte alors que la banque française est à l’origine d’investissements massifs en faveur de projets de développement des énergies fossiles tels que la centrale à charbon de Medupi en Afrique du Sud qui a soulevé la polémique. A l’heure où l’épuisement des énergies fossiles et les impacts qu’elles génèrent figurent parmi les grandes urgences environnementales, le Crédit Agricole ne peut ainsi décemment se définir comme une entreprise verte. Qu’en est-il de la part des Etats ? Le Crédit Agricole ne semble pas être le seul à être pointé du doigt. Alors que le G20 s’est réuni à Séoul ces 11 et 12 novembre, la question des énergies fossiles a donné lieu à des rapports et comptes-rendus préalables permettant un véritable état des lieux de la situation mondiale.


Les représentants du G20 semblaient s’accorder : il faut stopper les subventions inefficaces aux énergies fossiles (encore faut-il pouvoir définir ce qu’est une « subvention inefficace »…). Cette déclaration a été faite à Pittsburg en septembre 2009, puis réaffirmée lors du sommet de Toronto de juin 2010. Pourtant, selon l’Agence Internationale à l’Energie (AIE), de nombreuses subventions en faveur des énergies fossiles sont encore établies (environ 312 milliards de dollars en 2009) ce qui n’est pas sans conséquences : gaspillage, volatilité des prix, contexte anticoncurrentiel vis-à-vis des énergies renouvelables… Ainsi, selon le rapport World Energy Outlook 2010 (WEO 2010) rédigé par l’AIE, la suppression de ces subventions pourrait permettre une réduction de 5,8 % des émissions de CO2 (soit 2 milliards de tonnes) à horizon 2020 et permettrait de réorienter les investissements en faveur des énergies renouvelables. Un avis partagé par le rapport du Groupe Consultatif de haut niveau qui a évalué à 8 milliards de dollars l’investissement qui pourrait de fait être établi tous les ans par les pays industrialisés en faveur de la lutte contre les changements climatiques dans les pays du sud qui, rappelons-le sont les premiers à être impactés par les effets qu’ils génèrent. Cependant, selon les ONG Oil Change International et Earth Track, les engagements pris par le G20 pour stopper les subventions inefficaces n’ont pas donné lieu à des mesures concrètes. Des discussions n’en sont jusqu’alors ressorties que des inactions. En effet, un rapport publié début novembre liste les « exclusions », c’est-à-dire les subventions qui ne sont pas concernées par cet engagement : parmi elles, les subventions pour les énergies fossiles qui sont moins carbonées que d’autres, celles qui permettent un développement rural et la création d’emplois ou bien celles qui sont « déguisées » en avantages fiscaux. De plus, l’ONG Les Amis de la Terre souligne l’oubli concernant les soutiens publics à l’industrie fossile effectués, notamment, via la Banque Mondiale. Un détail qui n’est pas sans rappeler la vidéo de Greenpeace intitulée « où va mon argent ? »…

Ainsi, Les Amis de la Terre ont demandé à la Banque Mondiale de cesser les prêts ou garanties en faveur des énergies fossiles et de les réorienter vers le secteur des énergies renouvelables. 63% des prêts issus de la Banque Mondiale pour l’énergie sont dédiés aux combustibles fossiles (la part dédiée au charbon a même augmenté entre 2007 et 2008). En outre, l’ONG Oil Change International, dans son rapport « Energy for the poor ? » a démontré qu’aucuns des prêts dédiés aux énergies fossiles émanant de la Banque Mondiale sur les années fiscales 2009 et 2010 n’étaient directement destinés à favoriser l’accès à l’énergie pour les plus pauvres.

Si les énergies fossiles s’épuisent peu à peu, une question se pose alors : à quand l’apparition des alternatives au pétrole ? L’Université de Californie s’est posée la question et est parvenue à une réponse plutôt déconcertante au vue de l’urgence de la situation : selon cette étude publiée dans la revue « Science & Technology », il faudrait attendre près de 90 ans avant de voir apparaître les technologies de remplacement au pétrole. La méthode se base sur les marchés boursiers et les prédictions des investisseurs concernant la période de maturité des nouvelles technologies. La date est ainsi évaluée en fonction de la capitalisation boursière basée sur les actions et dividendes émanant des industries pétrolières publiques et des sociétés d’énergies alternatives. Cette méthode, bien que basée sur des données purement mercantiles, a déjà fait ses preuves dans de nombreuses prédictions. Face à ces résultats, on est amené à penser qu’une intervention rapide et efficace de la part des principaux Etats est d’autant plus nécessaire afin de favoriser plus rapidement des énergies alternatives.


L’humanité aura épuisé en près de 200 ans les réserves accumulées sur plusieurs centaines de millions d’années. Au vue des enjeux, la question de la gestion des énergies fossiles (qu’il s’agisse de l’exploitation, de la consommation de ces énergies, de la recherche d’alternatives ou bien sûr des subventions attribuées à ce secteur) constitue une véritable urgence. Pourtant, le sujet des énergies fossiles n’a pas été abordé lors du G20 de Séoul. Un « oubli » qui ne présage rien de réellement positif à l’approche du prochain sommet des Nations Unies sur le réchauffement climatique qui aura lieu à Cancun du 29 novembre au 10 décembre 2010…


Sources et compléments d’information :

Le Monde, « Prix Pinocchio : Les Amis de la Terre décernent les bonnets d'âne du développement durable » (09/11/2010)
http://www.lemonde.fr/planete/article/2010/11/09/prix-pinocchio-les-amis-de-la-terre-decernent-les-bonnets-d-ane-du-developpement-durable_1437842_3244.html

Actu Environnement « G20 : la suppression des subventions aux énergies fossiles reste à confirmer » (10/11/2010)
http://www.actu-environnement.com/ae/news/g20-seoul-subventions-energies-fossiles-11339.php4

Développement Durable Le Journal, « Énergies fossiles : Ces subventions qui endettent le Climat » (15/11/2010)
http://www.developpementdurablelejournal.com/spip.php?article7164

Actualité News Environnement, « Energie fossiles et prêts de la Banque mondiale » (08/10/2010)
http://www.actualites-news-environnement.com/24262-Energie-fossiles-prets-Banque-Mondiale.html

Enerzine, « Les substituts au pétrole : pas avant 90 ans ! » (10/11/2010)
http://www.enerzine.com/10/10754+les-substituts-au-petrole---pas-avant-90-ans+.html

lundi 8 novembre 2010

Actualités sur le nucléaire en Europe

Le convoi radioactif France - Allemagne

Après un voyage de trois jours, le « convoi le plus radioactif du monde » tel que qualifié par l’ONG Greenpeace, est arrivé en gare de Dannenberg en Allemagne ce lundi 8 novembre. Ce convoi, qui a quitté la gare de Valognes (Normandie) vendredi dernier, contenait un total de 11 « Castor » (Cask for storage and transport of radioactive material), eux-même constitués de 28 « Canisters » (conteners composés de déchets vitrifiés). Plus concrètement et selon les données de l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, c’est au total une radioactivité de 3 000 PBq (Peta Becquerel) qui a été acheminée vers l’Allemagne, soit 10 fois plus que la radioactivité dégagée par la catastrophe de Tchernobyl. Greenpeace a ainsi mobilisé de grands moyens contre ce convoi, d’une part en incitant les citoyens à intervenir par le biais de manifestations ou d’opérations de blocage pacifiques ; et d’autre part en portant plainte contre Areva pour ne pas avoir respecté les contraintes de sécurité pourtant indispensables pour ce type de convoi. En effet, les déchets radioactifs auraient été entreposés en gare de Valognes en date du 25 octobre, pour un départ prévu 10 jours plus tard, dans une Installation Nucléaire de Base (INB) non déclarée (les INB doivent être autorisées par décret par l’Autorité de Sureté Nucléaire et soumises à enquêtes publiques). Le trajet prévu pour le convoi a ainsi été interrompu à diverses reprises par plusieurs dizaines de milliers de manifestants d’abord en France, puis en Allemagne, destination finale des déchets nucléaires. Et, en Allemagne tout comme en France, les déchets radioactifs seront entreposés dans un lieu inadapté pour le stockage de déchets dangereux, c’est-à-dire dans un hangar de Gorleben. Sylvain Trottier de Greenpeace a ainsi dénoncé l’impasse dans laquelle l’on se trouve : « Il n’existe aucune solution viable pour les déchets nucléaires. Personne n’en veut et personne ne sait quoi en faire ».

Commission européenne : enterrer les déchets nucléaires pour mieux les gérer

Ce constat a également été fait par la Commission européenne qui a présenté de fait le 3 novembre dernier un projet de directive sur la gestion des déchets nucléaires basé sur le stockage en profondeur. Chaque année, ce sont près de 7000 m3 de combustibles usés issus des 147 centrales nucléaires d’Europe qui sont stockés dans des entrepôts ou installations provisoires. Il n’existe actuellement pas d’installations de stockage définitif. La Commission, avec l’appui d’experts scientifiques et techniques, a ainsi fait le choix des installations de stockage souterraines. La directive est prévue pour 2011. Les Etats membres auront alors un délai de 4 ans afin de mettre en place un programme national allant en ce sens. Les pays détenant peu de centrales, ce qui n’est pas le cas de la France, auront la possibilité de mutualiser la gestion des installations de stockage. Heureusement, la directive interdit la création d’installations de stockage dans des pays tiers. Par ailleurs, bien que la Commission souhaite que la population soit informée et qu’elle intervienne dans les décisions relatives à la gestion de ces déchets nucléaires, le Réseau Sortir du Nucléaire dénonce « une orientation dangereuse et antidémocratique » dans le sens où le projet de directive a été élaboré sans réelle consultation de la population.

Action de la population face au nucléaire ?

Mais que peut faire la population lorsqu’elle s’oppose au nucléaire ? Des associations et ONG telles que Greenpeace tentent d’orienter la population afin de faire entendre sa voix. Ainsi Greenpeace intervient au nom de la société civile en portant plainte contre Areva, organise des actions de mobilisation d’ordre pacifique, notamment pour ralentir les convois de déchets nucléaires,… Greenpeace se donne également pour rôle d’informer la population. Ainsi, l’ONG a été à l’initiative d’une vidéo qui se veut synthétique et pédagogue afin d’expliquer le rôle des banques vis-à-vis des activités nucléaires, en pointant notamment du doigt la BNP Paribas, principal financeur de ce type de projets. L’argent des épargnants est en effet réinvesti dans divers projets : dans des projets publics, des activités spéculatives mais également dans des projets privés tels que l’extraction de pétrole ou les activités nucléaires (dont la centrale Angra 3 au Brésil conçue à partir d’une technologie considérée comme obsolète datant de plus de 30 ans), ces derniers étant la plupart du temps soutenus par des garanties d’Etat. La vidéo est visible sur le site : http://ouvavotreargent.com/

Le nucléaire en Europe : zoom sur l’Italie, l’Allemagne et la France

Par ailleurs, ce début de mois a également été marqué par la création en Italie d’une nouvelle agence de sûreté nucléaire. La création de cette nouvelle agence entre dans le cadre de la stratégie énergétique nationale qui vise à développer l’activité nucléaire de l’Italie, en collaboration notamment avec EDF - EDF participera également à la construction d’un réacteur nucléaire aux Pays-Bas, en partenariat avec Delta.

En Allemagne, le convoi de déchets radioactifs intervient une semaine après l’autorisation par les députés d’allonger la durée de vie des réacteurs nucléaires en dépit de son engagement de limiter leur activité à horizon 2020. Cependant, malgré les progrès établis par l’Allemagne dans le cadre des énergies renouvelables, l’allongement de la durée de vie des réacteurs était, semble-t-il, la seule solution alternative au charbon dont l’Allemagne dépend encore beaucoup.

En France, le nucléaire représente un véritable business, et pas seulement en faveur de BNP Paribas. En effet, la visite du président chinois Hu Jintao à l’Elysée a été l’occasion de signer une série de contrats d’une valeur totale de 16 milliards d’euros. Ainsi, Areva a conclu un contrat avec le producteur d’électricité chinois pour la construction d’une usine de retraitement du combustible nucléaire et la fourniture de 20 000 tonnes d’uranium sur 10 ans et a négocié la livraison de deux réacteurs de type EPR ce qui, malheureusement pour Areva, n’a pas aboutit sur un contrat ; Alstom, pour sa part, fournira les équipements aux centrales nucléaires pour la somme de 15 millions d’euros.


Sources et compléments d’information :

Actualités News Environnement, « Le train de l’enfer continue sa route » (08/11/2010)
http://www.actualites-news-environnement.com/24415-train-enfer-continu-route.html

Actu Environnement, « Déchets nucléaires : la Commission européenne propose d’encadrer l’enfouissement en profondeur » (04/11/2010)
http://www.actu-environnement.com/ae/news/dechets-nucleaires-directive-europe-stockage-andra-11305.php4

Enerzine, « Greenpeace attaque Areva pour entreposage illégal » (05/11/2010)
http://www.enerzine.com/2/10716+greenpeace-attaque-areva-pour-entreposage-illegal+.html

Europe 1, « Italie: L'agence de sûreté nucléaire inaugurée » (05/11/2010)
http://www.europe1.fr/International/Italie-L-agence-de-surete-nucleaire-inauguree-304155/

Développement Durable Le Journal, « France Chine : de l’énergie à revendre » (08/11/2010)
http://www.developpementdurablelejournal.com/spip.php?article7149

Usine Nouvelle, « Nouveau réacteur nucléaire aux Pays-Bas : EDF avait posé ses jalons » (05/11/2010)
http://www.usinenouvelle.com/article/nouveau-reacteur-nucleaire-aux-pays-bas-edf-avait-pose-ses-jalons.N141141?xtor=RSS-215


jeudi 4 novembre 2010

Le scepticisme au cœur de l’environnement


Le scepticisme ne cesse de rythmer les débats relatifs à l’environnement. Il concerne non seulement les mouvements d’experts, plus connus sous le nom de « climato-sceptiques », qui remettent notamment en cause la responsabilité de l’homme vis-à-vis du réchauffement climatique ; Mais il concerne aussi l’ensemble des acteurs qui interviennent directement ou indirectement sur la politique environnementale : le scepticisme touche à la fois certaines entreprises qui souhaitent minimiser leur responsabilité par rapport à l’environnement ; ou bien les citoyens et ONG vis-à-vis de l’action du gouvernement. Le scepticisme se trouve ainsi au cœur de l’actualité. Retour sur cette tendance où le doute prédomine.


« L'augmentation de CO2 et, à un moindre degré, des autres gaz à effet de serre, est incontestablement due à l'activité humaine ». Telle est l’une des conclusions du rapport délivré jeudi dernier par l’Académie des sciences à la ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche. Ce rapport a fait suite à l’organisation d’un débat d’experts issus des professions de climatologues, physiciens, mathématiciens, biologistes, etc., le 20 septembre dernier, afin de confronter les différents points de vue et de délivrer un rapport approuvé par l’ensemble de la profession, c’est-à-dire à la fois par les scientifiques convaincus et les climato-sceptiques. Parmi les représentants des climato-sceptiques présents, on peut notamment citer l’ancien ministre très médiatisé Claude Allègre. Le climato-scepticisme a contribué à sa renommée : ce dernier dénonçait une « imposture climatique », un « système mafieux et totalitaire » et a pointé du doigt les conclusions du Giec en réfutant plusieurs de ses arguments. Pourtant, l’Académie des Sciences a confirmé les conclusions du Giec en désavouant de fait les climato-sceptiques. Ce rapport semble malgré tout satisfaire Claude Allègre qui a apposé sa signature sur le document, qualifiant ce dernier de « compromis » : M Allègre aurait apprécié la mise en avant de l’incertitude liée au climat et des relations de causes à effet qui en découle. Un tel rapport aura-t-il suffit à convaincre les climato-sceptiques ?

Rien n’est moins sûr. Les climato-sceptiques sont bien présents et pas seulement sur le territoire français. La vague contradictoire vis-à-vis du climat a également touché les Etats-Unis, vague sur laquelle certains industriels européens semblent surfer pour combler leurs intérêts. En effet, certains sénateurs américains niant les dangers du changement climatique ou s’opposant à la loi américaine « Cap and Trade » sur le climat ont pu bénéficier de financements émanant de certaines industries européennes. Au total, ces sénateurs ont ainsi reçu, en 2010, 306 000 dollars de la part de ces industriels. Ces chiffres ont été délivrés par un rapport du Climate Network Europe dont les sources proviennent notamment de la Commission fédérale électorale américaine. Selon Sébastien Blavier, responsable du Pôle International du Réseau Action Climat France, ces financements ont été faits en toute connaissance de cause par les industriels qui ne souhaitent pas d’une évolution des engagements des Etats-Unis en faveur du Climat. Ces entreprises constituent un lobby puissant auprès des instances européennes refusant que les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre passent de 20 à 30% d’ici 2020. La raison évoquée : ces objectifs constitueraient pour eux un frein à la concurrence, notamment vis-à-vis des industries implantées aux Etats-Unis, qui ont développé une réglementation moins stricte que l’Europe. Ainsi, en finançant les sénateurs américains climato-sceptiques, les industriels viseraient à bloquer toute nouvelle initiative en faveur du Climat de la part des Etats-Unis et, de fait, d’empêcher également l’Europe de réviser ses objectifs. Bien que ces financements ne soient pas très élevés, ils ont suffit à alimenter la polémique dans les médias qui remettent en cause la responsabilité sociétale des industries concernées.

Le scepticisme a également touché les citoyens. Alors que les pronostics semblent miser sur Jean-Louis Borloo en tant que remplaçant de M Fillon, l’heure en est au bilan. Un sondage réalisé par Opinion Way pour le compte de Terra Eco démontre ainsi que 74% des français considéreraient que le Grenelle de l’Environnement est un échec. Les Français douteraient ainsi de l’efficacité d’une telle démarche, un doute qui semble partagé par certaines ONG environnementales. En effet, si le Grenelle a permis de mettre en avant des objectifs clairs en faveur de la protection de l’environnement, la mise en place des engagements semble bien plus laborieuse : abandon de la taxe carbone qui est relayée à l’échelle européenne, révision de la fiscalité en faveur des équipements photovoltaïques, report de la taxe kilométrique poids lourds à 2012, abandon sur la taxe pique-nique qui visait à réduire la consommation de produits à usage unique, révision du bonus-malus sur les véhicules, etc. Concernant le secteur des transports, sur 34 engagements pris, seuls 3 ont été réalisés, et 22 sont en cours de réalisation… Certes, le Grenelle ne s’est pas seulement caractérisé par une série d’échecs ; Certes, il a notamment permis la mise en place de nombreux outils fiscaux (70 dispositions fiscales), et d’une réglementation plus adaptée (450 articles de loi) ; et il est vrai que la majorité des engagements est souvent peu connue du grand public. Mais en ne tenant pas une partie de ses engagements, l’Etat, via le Grenelle de l’Environnement, perd de sa crédibilité vis-à-vis de sa capacité à répondre aux enjeux environnementaux. Le gouvernement doit ainsi faire face à une crise de confiance de la part des citoyens sur les dossiers environnementaux.

Par ailleurs, suite à l’échec concernant le Sommet de Copenhague, on pouvait s’inquiéter quant aux résultats de la conférence sur la biodiversité de Nagoya. En effet, Copenhague avait laissé un goût amer : pas d’engagements concrets au niveau international, absence des principaux Etats concernés,… bref, un vent d’inaction avait touché l’ensemble des représentants. Même si de nombreux acteurs semblaient sceptiques quant à la finalité de cet évènement, la conférence de Nagoya a finalement été à la hauteur des espérances : engagements concrets en faveur d’une pêche durable (la polémique sur l’absence d’interdiction de la pêche du thon rouge aura-t-elle influencé ces engagements ?) ; engagements contre la déforestation ; protection des aires maritimes (même si le pourcentage de 10% des aires maritimes est considéré comme trop faible de la part des ONG). Même si l’on peut constater quelques bémols dans le bilan de cette conférence, et même si les financements nécessaires ne sont pas encore réunis, les engagements concrets pris à Nagoya peuvent laisser présager qu’ils inspireront l’ensemble des dirigeants lors du futur sommet de Cancun, prochain rendez-vous clé sur les enjeux climatiques.


Le scepticisme accompagne les débats concernant l’environnement du fait de l’absence de certitude qui l’accompagne. De cette absence de certitude est d’ailleurs né le principe de précaution. Est-ce que le scepticisme peut alors représenter un frein à l’action en faveur de la protection de l’environnement ? Dans un sens, il peut l’être car l’action va parfois à l’encontre des intérêts immédiats de certains acteurs. L’action a un coût que certaines entreprises et Etats ne sont pas prêts d’assumer. Mais d’un autre côté, la remise en cause des études scientifiques et des actions du gouvernement ne permet-elle pas d’alimenter le débat et, finalement, d’aboutir à des résultats concluants ? Ainsi, face au scepticisme des citoyens vis-à-vis de la capacité de l’Etat à gérer les enjeux environnementaux, ce dernier, à l’approche de 2012, devra songer à tenir davantage les engagements pris dans le cadre du Grenelle ; l’action deviendra sa meilleure alliée.


Sources et compléments d'information:

Les Echos, « Environnement : l’Académie des Sciences désavoue les climato-sceptiques » (28/10/2010)
http://www.lesechos.fr/economie-politique/france/actu/020895911845-environnement-l-academie-des-sciences-desavoue-les-climato-sceptiques.htm

Blogs Le Monde, « Des industriels européens manœuvrent contre la loi américaine sur le climat » (26/10/2010)
http://ecologie.blog.lemonde.fr/2010/10/26/des-industriels-europeens-manoeuvrent-contre-la-loi-sur-le-climat-americaine/

Actu Environnement, « Biodiversité : des commentaires nuancés à l’issue de la conférence de Nagoya », (03/11/2010)
http://www.actu-environnement.com/ae/news/nagoya-biodiversite-cdb-commentaires-ong-politique-11294.php4

Cdurable.info, « Grenelle de l’Environnement : un échec pour 3 Français sur 4 » (24/10/2010)
http://www.cdurable.info/Grenelle-Environnement-un-echec-pour-les-francais-Sondage-Terra-Eco-Opinion-Way,2959.html